Afghanistan: «La malnutrition qui touchera 1 million d’enfants n’est que la pointe de l’iceberg»
Près de trois mois après la chute de Kaboul, l'Afghanistan est entré dans l'hiver, et avec lui, dans une crise alimentaire et sanitaire majeure pour la population afghane, privée de l'aide internationale depuis l'arrivée au pouvoir des talibans. Entretien avec Hervé Ludovic de Lys, représentant de l'Unicef dans le pays.
Hervé Ludovic de Lys : Pour vous donner une idée, nous avions un appel humanitaire cette année à l’Unicef d’environ 197 millions de dollars. Or, les besoins pour l’année 2022 seront probablement de plus d’un milliard de dollars. Ils vont être multipliés par dix par rapport à l’année qui vient de s’écouler, parce que le système des services de base s’est effondré.
Vous rentrez dans un domicile familial, vous voyez l’état dans lequel se trouve les familles et les enfants, et vous comprenez très vite qu’il y a un problème. C’est une crise alimentaire sérieuse. Il y a plus de 22 millions d’Afghans qui sont en situation d’insécurité alimentaire aigüe et la malnutrition qui touchera 1 million d’enfants avant la fin de l’année n’est que la pointe de l’iceberg. Avec l’hiver qui est déjà là en Afghanistan, sans eau, sans soins, sans nourriture, si on ne répond pas très vite, je crois qu’il y aura un basculement en janvier ou février.
Quelle sorte de basculement ?
C’est le moment où toutes les ressources des ménages auront été épuisées, et cela se combine avec la crise économique. Même si certains médecins ou ingénieurs ont de l’argent en banque, ils n’arrivent pas à le retirer. Deux cents dollars par semaine, ça ne suffit pas quand les prix sont en train d’exploser. La solution doit être humanitaire, économique et monétaire. Sans cela, on se dirige vers des mouvements sociaux au début de l’année 2022