Restitution de trésors royaux: les Béninois attendent un « moment historique»
Les biens culturels, pillés dans les palais d’Abomey par les troupes françaises en 1892, arrivent au Bénin ce 10 novembre. Une cérémonie est organisée à la présidence de la République pour célébrer ce retour réclamé, négocié et obtenu par le président béninois en 2016.
Le retour des œuvres sera célébré dans les jardins de la présidence de la République à partir de 17 heures, deux heures après l’arrivée des trésors royaux, raconte notre correspondant à Cotonou, Jean-Luc Aplogan. De 150 à 300 invités sont attendus, des institutionnels, des rois et chefs traditionnels et les descendants du roi Béhanzin, le souverain dont le palais a été pillé en 1892 à Abomey. Patrice Talon a d’ailleurs invité ses prédécesseurs Thomas Boni Yayi et Nicéphore Soglo.
Le président Talon a aussi deux invités de marque, Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, auteurs d'un rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain.
Une partie des oeuvres sera présentée lors de la cérémonie. L’événement doit durer une heure. Le retour de ces vingt-six œuvres sera ainsi célébré par des prestations artistiques. Au programme notamment, des danses de troupes venues d’Abomey, de Porto Novo et du Nord-Bénin, rapporte notre envoyé spécial à Cotonou, Pierre Firtion. Il n’y aura pas de cérémonie vaudoue, le protocole restera républicain.
« Tout le monde sera représenté », explique une source, car l’événement est national. Sous-entendu : ce retour ne concerne pas qu’Abomey, la ville où ont été pillées ces œuvres, et les descendants du roi Béhanzin. Signe de l’importance de l’événement, la cérémonie sera retransmise en direct sur la télévision nationale et le retour des œuvres est depuis plusieurs jours annoncé dans la ville de Cotonou par de grands panneaux.
Les caisses transportant les œuvres ne seront pas ouvertes. Selon le calendrier, les 26 œuvres resteront deux à trois mois à la présidence de la République, le temps de l’acclimatation aux nouvelles conditions de climat et d'hygrométrie. Elles seront exposées au fort portugais de Ouidah en attendant d’être transférées définitivement au musée de l’épopée des amazones et des rois du Dahomey à Abomey. Un musée aux normes internationales, financé par l’Agence Française de développement. Il sera prêt dans trois ans.
Au cours de la signature de l’acte de transfert des œuvres le président Patrice Talon s’est dit partiellement satisfait des 26 œuvres qu’il obtient aujourd’hui. « Comment voulez-vous que mon enthousiasme soit total alors d’autres œuvres emblématiques comme le Dieu des métaux et de la forge, la tablette du Fâ, outil mythique qui permet aux devins de lire l’avenir et bien d’autres soient retenus en France », a regretté le président béninois. Visiblement, il en veut plus. Officiellement, le Bénin n’a pas adressé de nouvelle réclamation, mais Patrice Talon espère que « la suite viendra », il compte pour cela sur les travaux législatifs lancés par le président français pour définir un cadre plus général de restitution.
Beaucoup de Béninois ont découvert l’histoire du pillage des palais d’Abomey avec ce dossier de restitution. Ils applaudissent le retour de ces 26 œuvres et attendent impatiemment leur exposition. « Je frissonne à l'idée d'observer de plus près ces trésors royaux, notamment les trônes de nos ancêtres. C'est inimaginable », a ainsi confié à l'AFP à Cotonou un dignitaire et chef de collectivité Dah Adohouannon. « Du haut de mes 72 ans, je peux mourir en paix, une fois que je les aurais vus », a-t-il ajouté.