Kazakhstan: timide retour au calme après les émeutes meurtrières

 


Une semaine après le début des manifestations causées par le doublement du prix de certains carburants, la situation revient progressivement à la normale au Kazakhstan. À Almaty, la capitale économique, la situation restait tendue samedi et l’on a pu entendre encore quelques tirs d’armes automatiques.

« Le pays se stabilise. » C’est le message prudent qu’a communiqué le chef de l’État kazakhstanais, Kassym-Jomart Tokaïev dimanche 9 janvier. Des poches d’instabilité demeurent dans le pays, selon les autorités, surtout à Almaty et dans sa région.

On manque de pain et d’une façon générale on ne peut acheter que des produits basiques. Bon, maintenant ça s’améliore un peu. On peut à nouveau payer avec son téléphone, donc ça nous facilite les choses. Mais ça n’est pas partout. Les distributeurs de monnaie ne marchent pas partout, on ne peut pas toujours retirer de l’argent. »

Dans la petite ville de Taldykorgan, des coups de feu ont été périodiquement entendus samedi. La population vit au rythme des sirènes, qui retentissent pour informer du couvre-feu de 22h à 7h du matin, dans le cadre de l’état d’urgence qui doit durer jusqu’au 19 janvier.

Au moins 164 personnes sont mortes dans les émeutes qui ont secoué le Kazakhstan cette semaine, dont 103 dans la capitale économique Almaty, ont rapporté dimanche plusieurs médias, citant le ministère de la Santé. Les autorités avaient jusque-là fait état de 26 manifestants et 16 membres des forces de sécurité tués et plus de 2 000 personnes blessées.

Près de 6 000 arrestations

Au total, 5 800 personnes, « dont un nombre conséquent de ressortissants étrangers », ont été interpellées dans le cadre de 125 enquêtes distinctes, a indiqué la présidence du Kazakhstan dans un communiqué, sans donner plus de précision. Le préjudice matériel causé par les violences a été initialement évalué à environ 175 millions d'euros, selon le ministère kazakh de l'Intérieur cité dimanche par les médias locaux. Plus de 100 commerces et banques ont été pillés et plus de 400 véhicules détruits, selon la même source.

« Aujourd'hui, la situation est stabilisée dans toutes les régions du pays », a déclaré le ministre de l'Intérieur Erlan Tourgoumbaïev, ajoutant toutefois que « l'opération antiterroriste se poursuit pour rétablir l'ordre dans le pays ».

L'activité reprend

Ce dimanche, les supermarchés reprennent leur activité, alors que les habitants sont parfois restés confinés chez eux sans pouvoir aller se ravitailler. Dans la rue, ils découvrent parfois le spectacle ahurissant d’édifices et des véhicules incendiés. Ce lundi, l’activité économique devrait reprendre un peu partout, en premier lieu dans le secteur alimentaire.

Dans le reste du pays, les rassemblements ont quasi cessé, même si ceux qui se sont mobilisés contre le doublement de ce carburant qu’est le gaz de pétrole liquéfié font comprendre à leurs dirigeants qu’ils demeurent vigilants et veulent des réformes politiques.

« Tokaïev est devenu la marionnette de Poutine »

L'arrestation pour « haute trahison » de Karim Massimov, ancien chef des services de sécurité, l'un des proches de l'ancien dirigeant Noursoultan Nazarbaïev, montre que l'actuel président Kassym-Jomart Tokaïev cherche à assoir son pouvoir avec l'appui de la Russie de Vladimir Poutine. Les deux hommes ont d'ailleurs eu une « longue conversation » téléphonique, selon les termes employés par le Kremlin. Et si le président du Kazakhstan a profité de la crise pour accroître son autorité sur la scène intérieure, c'est la Russie qui devrait en être le principal bénéficiaire.

« Ce qui s’est passé cette semaine démontre que Tokaïev est devenu une marionnette de Poutine, estime David Gaüzere, chercheur au Geopolitical research & analyses circle (Grac). Nazarbaïev, avec sa diplomatie plurivectorielle, essayait de rentrer dans certaines de nos alliances qui ne plaisaient pas forcément à Poutine, il avait une certaine autonomie. On le voyait aussi avec la volonté du changement d’alphabet au Kazakhstan. Le kazakh est une langue turcophone mais qui s’écrivait jusqu’à présent avec l’alphabet cyrillique, et Nazarbaïev avait pour projet de passer à l’alphabet latin, pour se rapprocher de la Turquie. Donc là, en reprenant la main sur le pouvoir kazakh par Tokaïev, Poutine montre que ses satellites, que ce soit le Kazakhstan, l’Arménie, la Biélorussie, lui sont restés fidèles. »

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