Ukraine: Washington dramatise, les Européens modèrent le ton, Paris propose une réunion
Les ministres des Affaires étrangères de l'UE se sont réunis ce lundi 24 janvier à Bruxelles, avec à l'ordre du jour des discussions approfondies sur le Sahel. Mais c'est surtout la situation en Ukraine qui a monopolisé l'attention des Vingt-Sept. Ils ont eu un entretien à distance avec leur homologue américain Antony Blinken, tandis que le président Biden devait pour sa part discuter avec les alliés des États-Unis. Washington accroît la pression sur Moscou. Macron propose une réunion à Paris
Une grande unanimité et une grande détermination à faire face à la situation, c'est ainsi que les Vingt-Sept résument leurs débats sur l'Ukraine ce lundi.
Ces affirmations restent de l'ordre du discours, explique cependant notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. Car même si les Européens disent avoir sous le coude des sanctions qui pourront être déclenchées à tout moment en cas d'agression russe, ils refusent mordicus de les détailler.
Ne rien divulguer « fait partie de la dissuasion », assume le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell
Rien de nature à renforcer la crainte des Européens
Après la quasi-mobilisation annoncée par l'Otan, après les craintes d'agression russe formulées par Washington, l'UE cherche en fait à calmer les esprits, à éviter les crises de nerfs et les propos alarmistes, selon les mots mêmes de M. Borrell.
Les Vingt-Sept se sont entretenus dans l'après-midi avec leur homologue américain Antony Blinken, et ils en concluent qu'il est inutile d'évacuer les personnels non essentiels, comme l'ont aussi fait les Britanniques.
Il n'y a pas de nouveauté, insiste le chef de la diplomatie européenne, qui souligne que les négociations avec la Russie ont été menées par les États-Unis en pleine coordination avec l'UE, et qui estime qu'il n'y a rien, pour l'instant, qui soit de nature à renforcer chez les Européens la crainte d'une attaque imminente.
Nous, on sait très bien quelles sont les menaces, quel est le degré des menaces, et on sait très bien de quelle façon il faut réagir...
Washington place 8 500 militaires en état d'alerte
Mais à mesure que le temps passe, l’administration américaine met en avant les conséquences militaires. Elle parle de renforcer les capacités des pays de l’Est membres de l’Otan. Et la Maison Blanche étudie l’envoie de plusieurs milliers de soldats américains dans ces pays. 8500 militaires aux Etats-Unis viennent d’être mis en état d’alerte, prêts à être déployés dans les pays concernés que sont la Pologne et les pays baltes.
« Il est très clair, explique le porte-parole du Pentagone Ned Price, que les Russes n'ont actuellement pas l'intention d'amorcer une désescalade ». Aucune décision « n'a été prise sur un déploiement de forces en-dehors des États-Unis pour l'instant », précise-t-il en revanche. Mais la communication de l’Otan insiste aussi depuis quelques jours sur les livraisons de matériel.
D’abord exprimé en centaines de millions de dollars, ces livraisons deviennent beaucoup plus concrètes, dès lors qu’on en voit les images et qu’on en sait un peu plus sur leur nature : missiles antichars et anti-aériens, qui ont laissé un très mauvais souvenir aux soldats russes qui ont dû y faire face en Afghanistan, rappelle notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin.
Dans ce contexte, « l'échange de vues avec Antony Blinken a été très utile pour continuer à déterminer la marche à suivre et une coordination très étroite », résume Josep Borell.
L'UE entend donner plus d'argent à Kiev au plus vite
La France conseille à ses ressortissants de reporter les voyages non essentiels vers l'Ukraine, bien que Paris n'évacue pas les familles de ses diplomates comme l'ont ordonné les États-Unis.
Quant à la Commission européenne, pour l'heure, elle propose de renforcer son soutien financier à l'Ukraine avec une enveloppe supplémentaire de 1,2 milliard d'euros. Cette nouvelle enveloppe d'urgence viendra doubler l'aide bilatérale attribuée à Kiev sous forme de subvention cette année.
Néanmoins, le calendrier reste flou. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a simplement précisé qu'une première tranche de 600 millions d'euros serait déboursée « rapidement » si le Parlement et les pays membres donnaient vite leur feu vert
L'Ukraine a déjà bien augmenté son budget défense
Cet argent doit aider l'Ukraine à faire face à ses besoins financiers liés au conflit. Des frais qui interviennent alors que l'économie ukrainienne n'a pas échappé aux effets de la pandémie de Covid-19 – des frais qui se sont accrus ces dernières années.
Depuis le début du conflit avec les séparatistes pro-russes dans l'est du pays, l'Ukraine a largement augmenté son budget Défense. Il est passé, selon la Banque mondiale, de 1,5% du PIB en 2013 à plus de 4% en 2020, rappelle Pauline Gleize, du service économie de RFI.
Depuis 2014, l'Union européenne a déjà versé 17 milliards d'euros à Kiev sous forme de subventions et de prêts. L'Ukraine bénéficie aussi d'un programme d'aide du FMI
Moscou dénonce une « hystérie »
Dans toute cette affaire, Moscou dénonce une « hystérie », et accuse les États-Unis et l'Otan « d'exacerber les tensions par des annonces et des actions concrètes ».
Ce que demande la Russie, c'est un engagement écrit sur le non-élargissement de l'Alliance atlantique à l'Ukraine et à la Géorgie. Moscou apprécierait aussi un retrait des forces et des armements de l'organisation des pays d'Europe de l'Est ayant rejoint les rangs après 1997, notamment de Roumanie et Bulgarie. « Non négociable », pour les Occidentaux.
Moscou assure ne pas avoir l'intention d'intervenir en Ukraine, mais soutient en revanche les revendications des séparatistes pro-russes des républiques autoproclamées de Lougansk et de Donetsk, dans l'est du pays. La Russie a par ailleurs massé plus de 100 000 soldats, des chars et de l'artillerie aux frontières.
« Les États-Unis vont maintenant répondre par écrit »
L'Alliance atlantique, pour sa part, dispose d'une force de réaction rapide de 40 000 soldats, actuellement sous commandement français. Mais « les États-Unis vont maintenant répondre par écrit aux demandes de la Russie, et nous avons été consultés sur cette réponse », assure Josep Borrell.
Une nouvelle réunion serait prévue entre Antony Blinken et son homologue russe Sergueï Lavrov.
Une visioconférence devait aussi avoir lieu ce lundi soir entre le président Biden, le président Macron, le chancelier Scholz, le Premier ministre italien Mario Draghi, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, le président polonais Andrzej Duda, le Premier ministre britannique Boris Johnson, le président du Conseil Charles Michel et Ursula von der Leyen.
Joe Biden a insisté lundi soir, à l'issue de cette rencontre inattendue, sur le fait qu'il existe selon lui une « unanimité totale avec les dirigeants européens » dans la crise ukrainienne. Et le président américain ajoute avoir passé un « très, très, très bon entretien