Mahamat Idriss Déby Itno : une stratégie souverainiste sans rupture brutale avec la France
Un agenda souverainiste affirmé
Le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a marqué un tournant dans les relations avec la France en annonçant, le 28 novembre, la fin des accords de coopération militaire. Cette décision s'inscrit dans une volonté de renforcer la souveraineté du Tchad et de faire partir les troupes françaises avant le début du ramadan. Cependant, le contexte est complexe, et les intérêts en jeu, nombreux.
Un retrait précipité des forces françaises
Suite à cette annonce, les responsables français espéraient initialement des négociations calmes, semblables à celles menées avec le Sénégal, pour organiser un retrait progressif sur environ six mois. Mais les relations se sont rapidement tendues. Le 10 décembre, l’armée française a décidé de retirer immédiatement ses avions de chasse Mirage-2000 stationnés à N’Djamena, sans concertation préalable avec les autorités tchadiennes.
Cette décision a surpris et mécontenté la capitale tchadienne, où ces appareils jouaient un rôle crucial dans la dissuasion aérienne et le transport militaire. Le Tchad, dont l’armée de l’air est jugée peu performante, perd ainsi un atout stratégique important.
Des divisions internes au sommet de l’État
Au sein du pouvoir tchadien, deux camps s’opposent discrètement. Les partisans d’une rupture rapide et définitive avec la France, tels que le secrétaire général de la présidence Mahamat Ahmat Alhabo, influencent actuellement Mahamat Idriss Déby Itno. En revanche, des responsables plus modérés plaident pour un retrait progressif, afin d’éviter une rupture perçue comme humiliante pour la France.
Le président tchadien a également tenu à rassurer ses partenaires occidentaux, notamment la France et les États-Unis, sur ses intentions. Contrairement aux dirigeants de l’Alliance des États du Sahel, il ne souhaite pas se rapprocher de la Russie et du régime de Vladimir Poutine, affirmant vouloir maintenir une certaine neutralité diplomatique.
Une stratégie politique en vue des élections
Mahamat Idriss Déby Itno, à quelques jours de son élévation au rang de maréchal (prévue pour le 21 décembre) et des élections législatives du 29 décembre, joue une carte stratégique. En durcissant le ton contre la France, il s’efforce de séduire une opinion publique sensible aux idées souverainistes, tout en évitant un sentiment anti-français aussi marqué que dans d’autres pays du Sahel.
Le président cherche également à priver l’opposition, notamment le parti des Transformateurs dirigé par Succès Masra, d’un argument majeur. En adoptant une posture souverainiste, il désamorce les critiques sur sa proximité passée avec la France et réduit les chances d’un mouvement similaire à celui de Pastef au Sénégal.
Un héritage en construction
En défiant l’ancienne puissance coloniale, Mahamat Idriss Déby Itno entend également se démarquer de son père, Idriss Déby Itno, décédé en 2021, qui n’avait jamais complètement rompu avec Paris. Cette posture lui permet de consolider son pouvoir et de projeter l’image d’un dirigeant capable de préserver les intérêts du Tchad tout en affirmant son indépendance.
Malgré les tensions actuelles, cette stratégie pourrait servir les ambitions politiques du président, qui s’avance comme le grand favori des prochaines législatives. Toutefois, son défi sera de maintenir un équilibre entre fermeté et pragmatisme, afin d’éviter un isolement diplomatique dans une région en pleine reconfiguration.