La branche somalienne de l’État islamique : une puissance montante au sein du jihadisme mondial ?
Depuis sa création en 2015 dans les montagnes reculées du Puntland, au nord de la Somalie, la branche somalienne de l’État islamique (EI) a gagné en importance sur l’échiquier du jihadisme mondial. Initialement marginale, elle est aujourd’hui un pilier financier et logistique pour les activités du groupe à l’échelle internationale. Cette montée en puissance inquiète : en mai 2024, les États-Unis ont mené plusieurs frappes de drones pour cibler son chef influent, Abdul Qadir Mumin.
Une présence internationale affirmée
Le 31 décembre 2024, une double attaque à la voiture piégée visait une caserne de l’armée somalienne. Revendiquée par l’EI, l’attaque révèle un détail surprenant : parmi les 11 combattants tués, aucun Somalien, mais des ressortissants de divers pays, tels que le Maroc, la Tunisie et le Yémen. Selon Wassim Nasr, chercheur pour France 24, cela confirme une internationalisation du recrutement. Aujourd’hui, plus de la moitié des 500 combattants estimés de l’EI Somalie sont étrangers, selon un rapport de l’International Crisis Group.
Des débuts modestes, une expansion stratégique
Née d’une dissidence au sein d’al-Shabab, l’EI Somalie comptait à l’origine une poignée de membres sous la direction d’Abdul Qadir Mumin, ancien prédicateur passé par la Suède et le Royaume-Uni. Longtemps considérée comme inactive et limitée à une zone montagneuse isolée, cette branche a su se transformer en une base arrière stratégique pour l’EI en Afrique. Les États-Unis, après avoir éliminé en 2023 Bilal al-Sudani, un de ses leaders, ont tenté sans succès d’abattre Mumin en 2024.
Une force financière redoutable
Sur le plan militaire, la branche somalienne reste limitée, mais elle brille par son efficacité financière. Selon un rapport de l’ONU de 2024, elle génère environ 360 000 dollars par mois grâce à l’extorsion, les taxes illicites et le commerce de l’or, atteignant plus de 4 millions de dollars par an. Le bureau al-Karrar, une unité clé de cette branche, coordonne ces fonds, qui transitent parfois jusqu’en Afghanistan et au Pakistan pour financer des activités jihadistes mondiales. Ce réseau s’appuie également sur des systèmes comme le hawala et les cryptomonnaies, renforçant son rôle dans la stratégie globale de l’EI.
Un rôle central dans la stratégie mondiale de l’EI
La branche somalienne joue un rôle crucial dans le soutien logistique et le financement d’autres filiales de l’EI, notamment en Afrique de l’Est. Ses capacités à recruter, former et déplacer des combattants étrangers la placent au cœur des opérations internationales du groupe. Cette montée en puissance alimente les spéculations sur l’importance de son dirigeant, Abdul Qadir Mumin, bien qu’il soit peu probable qu’il devienne calife en raison de critères religieux.
L’enjeu du recrutement international
Le recrutement de combattants étrangers, bien qu’il apporte des compétences variées, peut également créer des tensions locales. Ces nouveaux venus, souvent plus radicaux, poursuivent des objectifs dépassant les problématiques somaliennes, ce qui peut exacerber les conflits avec les populations locales. Les montagnes du Puntland servent ainsi de base d’entraînement pour ces combattants, renforçant la capacité d’intervention de l’EI Somalie à l’échelle mondiale.
Une influence qui inquiète
En élargissant son influence, notamment grâce à des transferts financiers internationaux et un recrutement diversifié, la branche somalienne de l’EI s’affirme comme un acteur clé du jihadisme global. Sa capacité à s’adapter, notamment en utilisant des outils modernes comme les cryptomonnaies, souligne son rôle stratégique dans la réorganisation de l’EI après la perte de ses bastions traditionnels au Moyen-Orient.